Nous sommes tous Palestiniens
Voilà, c’est le temps du départ, 15 jours c’est court, mais je repars avec tant d’images, d’odeurs, de soleil …
1h30 : Je suis dans la rue avec Elen, on attend le taxi, il fait doux, la ville est calme, au bout de la rue les boulangers s’affairent. Une voiture arrive, elle s’arrête à notre hauteur et nous lance « How do you know it’s me ? » … Ben ouai, on ne le connaît pas, c’est une voiture banale, ce n’est même pas un taxi, c’est Michel un copain de George qui habite en Israel (Plaque d’immatriculation jaune).
Je fais mes adieux à Elen et monte dans la voiture avec ma grosse valise, c’est parti. On s’arrête déjà à 100 mètres pour acheter du pain chaud. Et on part pour de bon, là il me propose du pain que je refuse, je n’ai pas faim alors il me dit « Mange ! » sur un ton qui ne me laisse pas le droit de refuser, en plus il est super imposant, grand et large.
On sort de Bethléem et arrive au premier check-point … Ca commence … on sort de la voiture et se plante devant les soldats armés, ils font le tour et me demandent d’ouvrir mes bagages. Et tout de suite ils commencent à m’emmerder, il y a des keffiehs au dessus : « Why have you got that », « That is Palestinian », « You are for Palestinians » … Moi j’ai perdu mon anglais, je souris et je dit « Gifts », ils parlent avec Michel veulent me faire passer à pied le contrôle, finalement ils nous laissent repartir ensemble. Là, Michel me demande si je n’ai rien d’autre de compromettant, rien de « politique », je le sens un peu inquiet.
A Jérusalem, il téléphone à quelqu’un pour lui demander de nous accompagner, il n’a pas envie de faire le trajet de retour seul. Il rage contre les rues barrées pour travaux, s’engueule avec les ouvriers et force le passage. Il récupère son amie qui lui apporte du zaatar pour mettre sur son pain et on roule vers Tel Aviv.
2h30 : On s’arrête pour mettre du carburant, Michel revient dans la voiture et m’explique :
Tu vois là, il y a un contrôle, (je n’avais pas fait attention), donc tu va marcher avec ta valise pour passer, tu avanceras sur 200 mètres et je te récupèrerai plus loin, si on reste ensemble ça sera compliqué …
Je sors donc et avance vers le check-point en trainant ma valise. Les soldats, jeunes, leurs armes à la main m’attendent avec un air sévère. Arrivé à leur hauteur, ils commencent à me parler … Je ne comprend plus du tout l’anglais et je leur souris en parlant français : « aéroport , Zurich … ». Là, une chef, qui ne prend pas la peine de se déplacer commence à me questionner de loin, elle crie en français et sans accent (Et merde…), mais elle n’est pas trop chiante, elle trouve simplement étonnant que j’aille à l’aéroport à pied … Je lui dit que j’y vais en stop, alors elle donne les ordres en français aux autres qui n’y comprennent rien et refusent de me laisser repartir. Finalement après que je l’ai interpelée elle leur dit en hébreu de me laisser avancer.
Après deux cent mètre Michel arrive à ma hauteur et nous repartons vers l’aéroport où nous arrivons au bout de 10 minutes.
Le pire n’est pas passé …
3h00 : Je rentre dans le magnifique aéroport, il y a du monde partout. Je montre mon billet d’avion et une jeune femme m’indique la file à suivre.
1er interrogatoire : dans la file, de jeunes agents passent de personne en personne et posent des questions à la con : « D’où venez-vous ? Qui avez-vous rencontré ? Comment s’appellent les amis de votre femme ? Quels sont les prénoms des enfants dans sa classe ? Où êtes vous allés …
Je répond, moitié en français, moitié en anglais, je fais celui qui ne comprend pas bien … Enfin il colle une étiquette avec le numéro 3 sur mes bagages et mon passeport. Les numéros vont de 1 à 6 : 1) On te fait passer avec un gros bisous sur la bouche, 2) tu passes tranquillement, 3) C’est pas mal, 4) Ca passe, 5) T’es emmerdé, 6) T’es super emmerdé … Au-delà, je pense que tu es fusillé sur place !
La valise passe au scanner, je la récupère et là on m’indique un bureau de fouille où je me rends en ralant et ouvre ma valise.
Mais voilà, les keffiehs sont toujours au-dessus, la jeune femme interpelle ses collègues et me fais la gueule.
2ème interrogatoire : Pourquoi avez-vous ça ? Où les avez-vous achetés ? d’où venez vous ? …
Je répond tant bien que mal pendant qu’elle fouille la valise et scan les liquides (Jus de raison, huile d’olive …). Je suis vraiment en colère, j’en ai marre. Mon numéro 3 a dû se transformer en 5 ou 6 parce qu’elle appelle un autre agent.
3ème interrogatoire : Toujours les même questions sur un ton désagréable, il insiste, je fais le niais, je suis super en colère de voir ces jeunes (tu presses le nez et il y a encore du lait qui coule) faire chier le monde mais je reste calme. Ils font leur sale boulot comme on leur a demandé …
4h30 : enfin je peux récupérer ma valise et me rendre au comptoir d’enregistrement, je suis triste, fatigué et super-super en colère. Je veux quitter au plus vite ce pays de fous.
La colère mettra du temps à s’estomper dans l’avion, y a plein de Rabbi Jacob qui se lèvent pour faire leur prière en s’espionnant pour voir lequel sera le plus dévot. Ca m’écœure, je n’arrive même pas à dormir. Je suis à bout.
Vive la liberté, vive la Palestine, vive la vie.