Je te quitte
Palestine,
j'ai appris à t'aimer.
Surtout le printemps ici.
Surtout les ascadénias et les abricots.
les roses, et le jasmin,
les arbres bleus de fleurs, les moutons nouveaux nés,
et les sourires des enfants pleins de poussière,
et le linge qui sèche au soleil,
et la vieille femme qui va au marché vendre ses feuilles de vigne.
mais Marmoud Darwich fait ça mieux que moi :
le printemps des collines
Comment les fleurs d'amandier resplendiraient-elles
dans ma langue, moi l'écho ?
Transparentes comme un rire aquatique,
elles perlent de la pudeur de la rosée
sur les branches...
Légères, telle une phrase blanche mélodieuse...
Fragiles, telle une pensée fugace
ouverte sur nos doigts
et que nous consignons pour rien...
Denses, tel un vers
que les lettres ne peuvent transcrire.
Pour décrire les fleurs d'amandier,
j'ai besoin de visites
à l'inconscient qui me guident aux noms
d'un sentiment suspendu aux arbres.
Comment s'appellent-elles ?
Quel est le nom de cette chose
dans la poétique du rien ?
Pour ressentir la légèreté des mots,
j'ai besoin de traverser la pesanteur et les mots
lorsqu'ils deviennent ombre murmurante,
que je deviens eux et que, transparents blancs,
ils deviennent moi.
Ni patrie ni exil que les mots,
mais passion du blanc
pour la description des fleurs d'amandier.
Ni neige ni coton. Qui sont-elles donc
dans leur dédain des choses et des noms ?
Si quelqu'un parvenait
à une brève description des fleurs d'amandier,
la brume se rétracterait des collines
et un peuple dirait à l'unisson :
les voici
les paroles de notre hymne national !
Mahmoud Darwich, « Pour décrire les fleurs d’amandiers », in Comme des fleurs d’amandier ou plus loin (2007) in "les nouvelles d'Ephraïm, nouvelles de Taybeh"